Péron TV Le média des élèves du collège de Cérilly
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Entretien avec François Liponne, responsable départemental du BDQE

Dans le cadre du Festival francophone du reportage court itinérant, la rédaction de Péron a travaillé sur un reportage sur la thématique « l’eau dans toutes ses dimensions ». A cette fin, nous avons interrogé un grand nombre d’acteurs. Parmi eux, François Liponne, responsable départemental du bureau de la qualité de l’eau, a accordé à la rédaction un long entretien téléphonique.

 

Qu’est-ce que le BDQE ? Quelles sont ses missions ?

Le BDQE est un service du conseil départemental de l’Allier. On trouve des services équivalents dans pratiquement tous les départements de France.

Notre première mission est d’avoir une bonne connaissance des ressources en eau et de leurs usages. Il s’agit de voir un peu comment cela se passe à l’échelle du territoire. Ce n’est pas ce qui nous prend le plus de temps mais c’est l’aspect point de départ de notre travail.

La deuxième mission c’est accompagner tous les services qui gèrent l’eau et l’assainissement. Cet accompagnement est d’abord technique, c’est-à-dire qu’on leur apporte de l’expertise pour les aider à gérer les stations de traitement d’eau potable, les stations d’épuration, les réseaux qui sont associés mais aussi des conseils sur la façon même de conduire un service par rapport à des obligations réglementaires ou des performances qui sont attendues.

Un autre aspect au sein du Conseil Département est d’ordre financier. On apporte ainsi des aides financières pour la réalisation de projets : réalisation de réseaux, construction de stations, etc…

Le troisième point, c’est grâce à tout ce travail précédent à savoir la connaissance et l’appui technique, c’est d’avoir une vision départementale de tout ce qui concerne la gestion de l’eau afin de pouvoir sensibiliser l’ensemble de la population et des acteurs et aussi de pouvoir orienter des décisions de décideurs politiques ou autres.

Voilà les missions du service qui est essentiellement composé de techniciens qui sont d’abord sur le terrain au plus près des besoins et des usages.

 

L’eau semble être de bonne qualité dans l’Allier, comment l’expliquez-vous ?  

La première question à se poser est la suivante. L’eau est de bonne qualité par rapport à quoi ? Tout dépend de ce que l’on regarde. Est-ce que l’on regarde la qualité de l’eau des rivières avec les usages que l’on va en avoir ? Est-ce que l’on regarde la qualité de l’eau qui est au robinet. Est-ce que l’on regarde la qualité de l’eau qui sort d’une station d’épuration. A chaque fois, on va avoir un niveau de qualité qui est attendu et qui va dépendre de certaines réglementations ou d’usages.

Par exemple pour l’eau potable, on a une réglementation européenne et une réglementation française qui impose un niveau de qualité avec un objectif sanitaire.

On va regarder trois aspects. Deux aspects sanitaires et un aspect de confort.

Le premier aspect, on va vérifier que l’eau ne risque pas provoquer de maladie. L’eau était autrefois un vecteur de maladie notamment le choléra et d’autres grandes maladies. On va d’abord vérifier qu’il n’y a pas de bactéries pathogènes dans l’eau potable. C’est important parce qu’il suffit qu’il y en ait un tout petit peu pour qu’on puisse provoquer une épidémie. Le second aspect est aussi sanitaire mais il peut être cumulatif. Des substances qui, si on en boit une fois ne sont pas très graves mais si on en boit tous les jours sur plusieurs années, peuvent avoir un effet sur la santé. Là, on peut avoir des substances d’origine naturelle ou des substances liées aux activités humaines. : l’arsenic, du nitrate, des pesticides ou autres etc…

Enfin, il va y avoir tout ce qui relève du confort.

Par exemple, si l’eau a trop de calcaire, ce n’est pas gênant pour la santé mais par contre cela va encrasser les appareils, les chauffe-eaux, le lave-vaisselle, les machines à laver.  A l’inverse, une eau très peu minéralisée, que l’on va retrouver en Auvergne ou dans les Alpes, c’est une eau qui est vite agressive. Une eau pure a du mal à être trop pure. Il faut qu’elle se charge et elle va se charger sur ce qu’elle trouve. Si cette eau très pure rencontre des canalisations en plomb, elle va mettre du plomb dans l’eau, qui lui, peut être un problème pour la santé.

La qualité de l’eau va également dépendre de comment elle est naturellement. Si vous prenez de l’eau de source, vous n’aurez pas la même qualité que si vous prenez de l’eau de rivière. Et quand vous devrez faire de l’eau potable vous aurez à mettre en œuvre des traitements qui seront différents.

Une eau de source ou certaines eaux qui sont captées dans des nappes importantes n’ont pas besoin ou besoin de très peu de traitement. Si vous prenez une eau qui vient d’une rivière ou d’une retenue d’eau, d’un barrage, naturellement l’eau sera plus chargée parce qu’il y a de la vie biologique et donc cela nécessitera un traitement plus important.  

Sur la qualité de l’eau dans le département de l’Allier, le constat est que globalement on a une qualité qui est bonne naturellement. Même s’il y a deux ou trois endroits où il y a des petits problèmes qui sont liés à la nature ou liés à l’activité humaine.

Mais cela s’explique aussi par le fait que les services d’eau se sont structurés de longue date sur le département de l’Allier. Globalement, il s’agit plutôt de structures intercommunales qu’on appelait les SIVOM qui regroupaient beaucoup de communes rurales qui ont mis en commun leurs moyens et qui permettaient de trouver une eau de qualité et en plus de pouvoir mettre en œuvre des traitements qui permettent que l’eau au robinet soit conforme à la réglementation.

 

Quelles sont les conséquences des épisodes caniculaires des dernières années sur la qualité de l’eau dans l’Allier ?

Je parlerai plutôt des problèmes de sécheresse. Ils sont liés à la canicule mais c’est d’abord la sécheresse qui est un problème plus la canicule. C’est d’abord la sécheresse qui est un problème, plus que la canicule. Le fait qu’on ait eu un déficit de pluie sur plusieurs années de suite a un véritable impact pour les réserves en eau.

Il n’y a pas eu d’impact pour les consommateurs. Cela ne s’est quasiment pas vu puisqu’il y a toujours eu de l’eau au robinet. Toutefois, le fait qu’il y ait moins d’eau dans les cours d’eau et dans les nappes ont conduit à la mise en place de restrictions d’eau sur certains usages, sur des usages non essentiels et à l’instauration de contraintes sur l’agriculture.

Par ailleurs, des messages ont été passés aux usages : il faut éviter de laver sa voiture, il faut éviter d’arroser en pleine journée. Il s’agissait de faire en sorte que les usages non-essentiels soient limités.

Sur la qualité de l’eau, cela peut avoir un impact. S’il y a moins d’eau sur les ressources, que ce soit dans les cours d’eau ou dans les nappes, il peut y avoir une concentration de certaines substances polluantes. Ce qui nécessitera des traitements plus importants.

Par contre dans le département de l’Allier, depuis plus de vingt ans il y a eu des travaux qui ont été engagés par les services d’eau permettant des interconnexions entre différents services. Cette année, ils ont permis que certains secteurs du territoire qui ont manqué d’eau, notamment dans le secteur du Val de Cher, puissent bénéficier d’une eau qui venait de l’Allier.

 

A-t-on manqué d’eau ces dernières années ? Comment économiser et préserver les ressources ?

Il y a pu avoir un manque d’eau localement. Mais globalement on n’en a pas manqué. On a pu faire passer de l’eau d’un territoire à l’autre. Cela reste une préoccupation. Cela reste fragile. Il reste des travaux à faire pour sécuriser tout cela. Et le réchauffement climatique fait que la ressource sera moins disponible. Il faudra être très exigeant.

Il faudra commencer par réduire les pertes à la production. Aujourd’hui, sur le département de l’Allier, quand il y a cinq litres qui partent d’une usine de production d’eau potable, il en arrive quatre au robinet. On en perd un en route. C’est des choses qu’il va falloir améliorer. Même si globalement, c’est plutôt bon par rapport au niveau national mais malgré tout on peut progresser. Il faudra naturellement limiter les usages non-essentiels.

On a vu ces dernières années, cela se constate moins maintenant puisque le seuil a été franchi, la modification des appareils électroménagers qui sont beaucoup moins consommateurs qu’autrefois. Cette évolution a entraîné une baisse de consommation des ménages.

Bien évidemment il y a les gestes de tous les jours : privilégier la douche plutôt courte, éviter de laisser couler l’eau du robinet, ect…

On peut économiser les prélèvements et de permettre qu’il reste suffisamment d’eau dans les milieux naturels.

 

Quelles sont les principales menaces qui pèsent sur la qualité de l’eau dans l’Allier ?

Les principales menaces sont liées aux activités humaines principalement. Tout ce qui concerne l’épuration des eaux usées, les stations d’épuration des communes, c’est plutôt bien dans le département de l’Allier. On a des performances qui sont correctes.

On a plus de difficultés par rapport à des pollutions diffuses d’origine agricole que ce soient les nitrates ou les pesticides sur certains secteurs où c’est un problème. C’est en train d’être traité, il y a des plans d’action qui sont mis en œuvre pour essayer de les résoudre. Mais c’est une vraie préoccupation.

Maintenant, nous sommes confrontés à l’arrivée des substances émergentes. Des molécules chimiques qu’on ne recherchait pas jusqu’à présent mais qu’on commence à regarder. Cela peut être un certain nombre de molécules qu’on a dans nos produits ménagers ou des résidus médicamenteux.

Ce sont des nouvelles molécules qu’il va falloir que l’on cherche, qu’on connaisse leur impact sur la santé humaine et sur les milieux naturels et voir si on a les moyens d’éviter leur utilisation en premier lieu et si on ne peut pas voir comment on peut les traiter en station d’épuration pour qu’on ne les retrouve pas dans les cours d’eaux ou dans les nappes.

Entretien réalisé par Isaac Chojnacki, Kylian Couillerot, Manon Mayer, Thibaut Micot, Jeanne Pointud

 

 

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