par Léna De Oliveira, élève de 1èreF
par Léna De Oliveira, élève de 1èreF
Léna : Bonjour Sanaa, et merci beaucoup d’avoir accepté cet entretien ! J’espère avant toute chose que tu vas bien, et que tu es fin prête pour cette interview.
Sanaa : Bonjour Léna ! Je vais bien, merci. Oui, je suis prête !
Léna : Très bien, commençons par le commencement : j’aurais aimé savoir quelles études tu avais faites, et en quoi consistaient-elles (ou consistent-elles) exactement ?
Sanaa : Alors, j’ai obtenu mon bac littéraire en 2017, spécialité mathématiques. Étant passionnée par les matières littéraires, notamment la philosophie, je me suis ensuite dirigée vers une classe préparatoire littéraire au Lycée du Parc, à Lyon. En 2020, j’ai ensuite été admise au concours de l’ENS Ulm. J’y étudie la philosophie depuis septembre, en parallèle avec un Master de philosophie politique et éthique à Paris IV.
Léna : Tout d’abord, félicitations pour ce très beau parcours ! Je dois avouer que je suis impressionnée, surtout quand on sait que très peu d’élèves réussissent les concours. D’ailleurs, pourrais-tu me parler un peu de tes années prépa ? Comment se sont-elles déroulées, quelles sont les choses qui t’ont le plus marquée, les matières étudiées…?
Sanaa : Je garde un très bon souvenir de mes années de prépa. Les deux premières étaient assez difficiles, car il fallait immédiatement se mettre au rythme du concours et j’avais l’impression de n’avoir aucun répit. Cependant, j’ai été agréablement surprise de l’humanité de la plupart des professeur.e.s et, surtout, de la solidarité des camarades entre eux. J’ai mieux vécu ma troisième année car j’ai réalisé que j’avais enfin intégré les attentes du concours, mais également parce que j’ai décidé de me reposer et de prendre du temps pour moi au lieu de constamment travailler. Concernant les matières, nous étudions en première année la littérature, l’histoire, la géographie, la philosophie, deux langues vivantes, et le latin et/ou le grec. À partir de la deuxième année, nous devons nous spécialiser dans une matière, chaque spécialité ayant son propre programme. En choisissant de préparer l’ENS Ulm plutôt que l’ENS Lyon, il faut abandonner la géographie au profit du latin et/ou du grec (ou les deux si l’on est spécialisé.e en lettres classiques).
Léna : D’accord, je vois. Tu as donc fait trois années de prépa ? C’était volontaire d’en faire une de plus ?
Sanaa : Oui, c’était volontaire. Durant ma deuxième année, j’ai raté l’admissibilité au concours de très peu, ce qui m’a à la fois frustrée et motivée pour retenter ma chance.
Léna : C’est très ambitieux. J’imagine que vous n’étiez pas très nombreux/nombreuses à vouloir retenter une troisième année de prépa. Mais ça prouve que tes efforts ont payé ! Au fait, pourrais-tu me parler de l’ENS Lyon et de l’ENS Ulm ? Pourquoi avoir choisi l’un plutôt que l’autre ?
Sanaa : A vrai dire, il est possible de préparer les deux concours simultanément, et c’est ce que j’ai fait pendant deux années. Il faut être prudent car cela signifie se rajouter du travail (en l’occurrence, travailler le programme de géographie et de l’autre option philosophie). L’ENS Ulm est plus ancienne et dès lors plus “classique”, étant donné qu’elle nécessite de maîtriser une langue ancienne. L’ENS Lyon est peut-être plus moderne. Cependant, les programmes sont les mêmes dans le tronc
commun : ils ne diffèrent que pour les spécialités.
Léna : Très bien, cela m’éclaire déjà davantage. Quelles sont justement ces spécialités ?
Sanaa : Dans ma prépa, les spécialités étaient les suivantes : lettres modernes, lettres classiques, philosophie, histoire et/ou géographie, une langue vivante (anglais, espagnol, allemand…) et histoire des arts.
Léna : Il y a en effet un large choix. On peut choisir plusieurs spécialités ?
Sanaa : Non, on n’en choisi qu’une seule !
Léna : D’accord, merci pour cette précision ! Une question qui revient souvent de la part des élèves, c’est : est-ce qu’il y a beaucoup de débouchés dans la voie que tu as empruntée ?
Sanaa : La prépa littéraire nous prépare principalement à l’enseignement et à la recherche (ainsi qu’aux administrations publiques). Cependant, il y a des multiples débouchés : les écoles de commerce, les IEP, les langues (traduction…), l’école du Louvre, de Saint-Cyr… D’ailleurs, je crois que chacun de mes amis a fait une de ces formations après la prépa !
Léna : Oui, c’est donc plutôt varié ! Il me semble qu’on peut aussi se diriger vers l’enseignement, et/ou ré-attaquer en L3 à la fac. D’ailleurs, tu es toujours en plein dans tes études. Que penses-tu faire ensuite ? Quelles possibilités s’offrent aujourd’hui à toi ?
Sanaa : Je suis encore en pleine réflexion. La voie la plus “logique” serait celle de l’enseignement et de la recherche, mais je ne suis pas encore pleinement certaine de me diriger vers elle. Il serait peut-être temps de me décider !
Léna : Déjà, tu as des pistes, mais c’est vrai que ça ne doit pas toujours être évident… Tu as encore un peu de temps devant toi ! D’ailleurs, on parle de l’avenir, mais j’aimerais beaucoup que tu me parles un peu de ta vie à Simone Weil. Quel genre d’élève étais-tu à l’époque ? Tes centres d’intérêt étaient-ils les mêmes qu’aujourd’hui ?
Sanaa : J’étais une élève assez réservée. J’avais du mal à participer à l’oral et je devais me faire violence pour essayer de progresser dans ce domaine. En revanche, j’appréciais beaucoup toutes les matières, ce qui me permettait de les travailler avec plaisir. J’étais avide d’apprendre de nouvelles choses. J’ai eu une révélation pour la philosophie en terminale, et je me suis lancée en classe préparatoire en sachant que je voulais suivre cette voie-là.
Léna : As-tu réussi à progresser à l’oral grâce à la prépa ?
Sanaa : Oui ! D’une part, nous avons des “kholles”, c’est-à-dire des exercices oraux durant lesquels l’élève se retrouve seul avec le professeur pendant une trentaine de minutes pour traiter un sujet ayant la forme d’une dissertation ou d’une explication de texte (évidemment, oralisées), ou encore des exercices de traduction. D’autre part, nous avons, au cours de l’année, des exposés ou des “planches” (qui correspondent au même principe que les kholles, sauf qu’elles sont faites devant toute la classe). Cela m’a donc permis de m’affirmer à l’oral et de ne plus craindre de prendre la parole !
Léna : C’est super ! Il est vrai que je suis une élève très à l’aise à l’oral, donc je ne me rends pas forcément compte à quel point cela peut être difficile pour certains et certaines (enfin, pour beaucoup !) de prendre la parole. Et pourtant, une fois qu’on est lancé.e, on prend confiance et ça vient tout seul !
Sanaa : Tu as de la chance d’être à l’aise à l’oral, c’est encore plus bénéfique pour plus tard !
Léna : Outre la philosophie, que faisais-tu en dehors du lycée ? Je parle de loisirs (lecture, sport, etc.), notamment. Des loisirs qui, j’imagine, ont peut-être changé (ou non) depuis le lycée ?
Sanaa : J’aimais déjà beaucoup, au lycée, la lecture, le cinéma et les sorties. Cela n’a pas changé en prépa, ni maintenant !
Léna : En parlant de lecture, j’ai jeté un oeil à la liste des livres qu’on recommandait de lire avant la rentrée en prépa littéraire… C’est assez conséquent !
Sanaa : Oui, mais je te conseille (à l’avance) de ne pas tout lire ! Tu pourras toujours demander conseil à tes professeur.e.s de terminale, mais il convient plutôt de sélectionner quelques livres que tu penses apprécier ou qui t’intéressent réellement. Car la liste de lecture donnée pendant l’été n’est pas représentative du programme que le professeur choisira personnellement en hypokhâgne. Elle est simplement le reflet, selon eux, d’une culture de base à avoir, mais tu pourras toujours l’acquérir une fois en prépa. Rien ne sert de se presser durant les quelques mois qui précèdent la rentrée !
Léna : Merci pour ce conseil. Il est vrai qu’une telle liste pourrait faire “un petit peu peur” à première vue …! J’aurais juste une dernière question pour toi Sanaa : que dirais-tu à un ou une élève qui souhaiterait emprunter la même voie que toi ?
Sanaa : Je lui dirais de prendre (ou de garder) confiance en soi. La prépa nous amène parfois à douter de nos capacités. Cependant, je pense qu’il faut trouver un juste milieu entre le fait de se préparer à acquérir une nouvelle méthode, un nouveau rythme, de nouvelles connaissances, et le fait de se remettre perpétuellement en question. Il ne faut pas oublier que l’on mérite sa place (que ce
soit en prépa, à la fac, au travail, ou ailleurs !) et que l’on a travaillé pour. Je lui conseillerais également de savoir prendre du temps pour soi et pour les autres, de ne pas s’enfermer dans le travail, et de savoir s’aérer l’esprit. C’est pour moi le meilleur moyen de profiter de cette formation sans se sentir étouffée par elle.
Léna : Merci beaucoup, Sanaa ! C’était très enrichissant de discuter avec toi !