Exclu de la mémoire nationale ? Quel avenir pour le patrimoine français après l’indépendance de l’Algérie

Emmanuel Macron a lancé en juillet 2020 une mission sur la mémoire de la colonisation et la guerre d'Algérie. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND/FRANCEINFO)
source: image tirée de www.francetvinfo.fr

Le patrimoine colonial français en Algérie soulève de nombreux enjeux culturels et politiques. En effet, au lendemain de son indépendance le 5 juillet 1962, qui entraîne le départ des Français, l’Algérie se retrouve face à des infrastructures, des bâtiments évoquant la trace, la présence française durant près de 130 ans.

Le rapport avec ce patrimoine est évolutif, mais au moment de l’indépendance les bâtiments, les quartiers de l’époque coloniale représentent une histoire à rejeter, à oublier, des symboles à détruire.

Dans les années 1970 lorsque certains Européens commencent à apporter un regard patrimonial sur ces lieux (sujet “de niche” universitaire), une partie de la population, une élite locale se lève désignant ces lieux comme un passé d’asservissement, des “vieilleries”, accusant les Européens de vouloir réhabiliter une certaine forme de colonialisme et enraciner la culture algérienne comme une culture “primitive”. Il apparaît donc une volonté de remettre en valeur les sites pré-coloniaux, la restauration d’une architecture nationale et authentiquement arabe qui aurait été perdue, comme par exemple en préservant la Casbah (vieille ville d’Alger héritée de la période médiévale et ottomane). L’Algérie en tant que jeune nation indépendante est à la recherche de repères et de symboles qui pourraient lui permettre une construction identitaire.

Casbah d’Alger

Les travaux restent cependant encore insuffisants durant les deux premières décennies qui ont suivi l’indépendance de l’Algérie et durant lesquelles la politique d’orientation socialiste adoptée par son gouvernement n’a pas eu comme priorité ces restaurations. L’Algérie s’est donc interrogée sur les facteurs de récupération ou de rejet du cadre bâti hérité de la période française. En effet l’industrialisation du pays a pu être facilitée par l’existence d’infrastructures urbaines léguées de la colonisation telles que les ports, chemins de fer, aéroports et certaines industries. Pour ce qui est des bâtiments historiques, leur entretien étant trop onéreux selon les standards occidentaux, ils se dégradent assez rapidement.

Au moment de l’indépendance, un grand nombre de bâtiments administratifs ont été repris par le nouveau gouvernement, c’est le cas du Palais d’été du Gouverneur (certes datant de l’époque ottomane mais symbole de l’occupation française) devenu Palais du peuple, et siège de la Présidence algérienne jusqu’en 1965.

Palais d’été du gouverneur, Alger

Au fil du temps, les nouvelles générations n’ayant pas connu la guerre d’Algérie ont pris une certaine distance avec cette époque et le rapport avec ce patrimoine colonial évolue. En effet les monuments coloniaux qui ont été exclus de l’histoire, de la mémoire nationale sont petit à petit réappropriés, acceptés par la population algérienne comme faisant partie de son histoire. C’est dans les années 90 et le début des années 2000 que l’on constate la création d’associations commençant à rénover des éléments de patrimoine (ex: hôpital militaire français à Oran). Certains bâtiment comme la Grande Poste d’Alger (lieu où les manifestations pour l’Algérie Française étaient importantes, c’est donc un fort symbole de la présence coloniale) est concernée par un projet de transformation en un musée sur l’histoire de la Poste et des télécommunications en Algérie.

Grande Poste d’Alger

L’Algérie renoue également des liens avec la France, le cas de la Basilique Notre-Dame d’Afrique de Bologhine est un exemple de coopération. La basilique construite par l’architecte Jean-Eugène Fromageau en 1872, a connu des dommages importants dus à des séismes en 2003. Des travaux de restauration sont entrepris et voient la participation, le partage du financement entre l’Union Européenne et de l’État Français (1 million d’euros) mais aussi de collectivités locales françaises (400 000 euros) et bien évidemment de la wilaya d’Alger.

Basilique Notre-Dame d’Afrique d’Alger

Après l’omniprésence des Français durant plus d’un siècle, l’Algérie devenue indépendante a vu dans une partie de son patrimoine le rappel d’un traumatisme que furent la colonisation et la guerre de libération encore présentes dans les mémoires. Mais au fil du temps et des générations, les Algériens ont un autre rapport à leur pays et peuvent le voir comme une terre multiculturelle, où de nombreuses civilisations se sont rencontrées depuis l’Antiquité: cela permet de mieux assimiler certains éléments de patrimoine notamment colonial faisant intégralement partie de l’histoire Algérienne.

Sources : etudescoloniales.canalblog.com ;cairn.info ;www.elwatan.com ;algériepresseservice ;www.persee.fr ;France24 ;journals.openedition.org ;wikipedia