Les nouvelles routes de la soie : un projet géoéconomique au service de l’hégémonie chinoise ?

Beaucoup d’entre nous voient la Chine comme une menace dans le sens où son but serait depuis toujours le contrôle du monde, la domination sur les autres pays. Cependant cette ambition d’expansionnisme chinois est tout à fait récente : avec l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping. En effet sous Deng Xiaoping, l’objectif était la prospérité de la population chinoise avant tout. Alors laissons de côté tous préjugés, et analysons la situation chinoise d’aujourd’hui notamment à travers le grand projet des “Nouvelles Routes de la Soie” alliant enjeux économiques et géopolitiques et ce, au service de l’hégémonie chinoise, qui je le rappelle, est un objectif « flambant neuf ». Nous verrons ainsi les origines de ce projet de grande envergure, puis nous verrons les enjeux économiques avant de nous intéresser aux enjeux géopolitiques inscrivant la chine dans un rôle de domination et d’indépendance au monde.

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Alors que le président chinois Xi Jinping décrit cette ambition comme « le projet du siècle », les Nouvelles Routes de la Soie font leur apparition en septembre 2013 lors d’un discours au Kazakhstan. Ayant pour but de connecter l’Asie au reste du monde, ce projet chinois espère un développement social et économique au sein du pays mais également géopolitique. Initialement nommée « Route de la soie » le projet devient en 2017 « l’initiative de la ceinture et de la route » (Belt and Road Initiative ou BRI). A travers la BRI c’est toute la géopolitique mondiale qui est en train d’être réécrite, pas une région n’échappe aujourd’hui à l’ambition chinoise. Cette politique titanesque poursuit plusieurs objectifs complémentaires. D’abord, elle soutient le commerce chinois et lui permet de sécuriser ses approvisionnements en matières premières depuis les pays en développement, essentiels à son économie. Ensuite, elle lui permet de renforcer ses régions souffrant d’un retard de développement, en les connectant à d’autres zones, à l’ouest. Enfin, elle participe de l’essor du « rêve chinois », une volonté politique formulée en 2013 par Xi Jinping et visant notamment à remettre la Chine sur le devant de la scène internationale.

La ceinture terrestre relie la Chine au continent Europe par l’Asie centrale, la route maritime par l’océan Indien. La plupart des infrastructures sont financées par la Chine, qui multiplie les chantiers, en Asie mais aussi en Afrique. Ce sont des routes, des autoroutes mais aussi des ports et des liaisons ferroviaires. Ainsi, ces dernières permettent par exemple de relier la Chine à de nombreux pays d’Europe en moins de 3 semaines. La Chine achète également de gros ports en Turquie. La Chine a beaucoup dépensé dans ce grand projet qui ne verra sa fin qu’en 2027. Cela permettra des implantations facilitées de part et d’autre et de meilleurs échanges dont pourrait bénéficier la Chine mais aussi l’Europe. Il n’existe pas de carte officielle de la BRI. Six corridors terrestres (Belt) et un réseau portuaire (Road) reliant la façade maritime chinoise à l’Europe en passant par l’Océan indien et les côtes africaines devraient concentrer la majorité des projets rattachés à de l’initiative. Jusqu’ici, les projets couvrent une multitude de pays en Afrique (Nigeria, Égypte), au Moyen-Orient (Turquie, Oman), en Asie (Indonésie, Inde, Philippines), et même en Europe (Géorgie, Grèce et maintenant Italie). Vaste programme, donc, qui ne cesse d’étendre ses ramifications. On parle même de la construction d’un chemin de fer passant dans un tunnel de 85 km sous le détroit de Béring qui sépare au nord l’Asie et l’Amérique.  En théorie, les populations locales doivent profiter de ces infrastructures pour construire de nouvelles usines, ouvrir de nouvelles mines, etc. Ces populations bénéficieraient de transferts de technologies vertes, s’enrichiraient et enrichiraient les autres.

Enjeux économiques:

D’un point de vue économique, le projet de la “Route de la soie” marque le passage de la Chine d’une attitude passive consistant à recevoir des investissements à une position plus active, voire offensive. Le premier objectif est de réagir à un environnement international économique déprimé. Il doit lui permettre de maintenir une industrie de main d’œuvre nécessaire à l’uniformisation de son développement (en l’étendant notamment vers l’intérieur du pays). Cet ensemble de projets sera aussi un débouché pour son surplus de production d’acier (grâce à la construction de 20 000 km de voies ferrées). Il vise aussi à répandre l’industrie High Tech chinoise. Ce projet ne se limite donc pas à la réalisation d’énormes infrastructures le long d’une route continentale ou à l’aménagement de ports, il vise à construire une chaîne de valeur complète, jusqu’à la high tech, le e-commerce, les services financiers et bien sûr le droit. Dans l’ensemble, la Banque asiatique de développement, citée par l’Iris, estime que 26.000 milliards de dollars seront nécessaires pour améliorer les infrastructures en Asie entre 2016 et 2030, soit environ 1700 milliards de dollars par an. La nouvelle épine dorsale du monde se situant désormais en Eurasie et retrouvant ainsi son rôle de premier rang mondiale devant les états unis permet une indépendance totale de la Chine vis-à-vis du géant américain. Au total, 60% de la population mondiale, 30% du PIB et plus du tiers du commerce international sont concernés.

En cinq ans, les investissements directs cumulés du géant asiatique dans les pays concernés dépassent 60 milliards de dollars et la valeur des projets signés par des entreprises chinoises atteint plus de 500 milliards, selon Pékin. Quitte à faire dérailler les pays financièrement vulnérables. En effet cela conduit en Malaisie à l’annulation de trois projets, dont une ligne ferroviaire à 20 milliards de dollars, arguant que le pays, perclus d’un endettement de 250 milliards, ne pouvait pas les financer. “Nous ne pourrions pas rembourser”, a lancé le Premier ministre Mahathir Mohamad. C’est le sort du Sri Lanka : après avoir emprunté 1,4 milliard de dollars auprès de Pékin pour aménager un port en eau profonde, l’île s’est vue contrainte fin 2017 de céder le contrôle complet de l’infrastructure… à la Chine pour 99 ans.

Le Fonds monétaire international (FMI) a tiré la sonnette d’alarme : ces partenariats “peuvent conduire à un accroissement problématique de l’endettement, limitant les autres dépenses quand les frais liés à la dette augmentent (…) Ce n’est pas un repas gratuit”.

a lancé en avril sa directrice générale Christine Lagarde.

Peu importe pour Pékin : les groupes étatiques chinois à la manœuvre se soucient peu de critères environnementaux, sociaux ou même financiers car, relève Mme Stevenson-Yang, les “Routes de la soie” restent un outil politique d’influence, inscrit depuis 2017 dans la charte même du Parti communiste.

Cela démontre qu’au delà du projet économique, les Nouvelles Routes de la Soie sont aussi un levier d’influence pour la Chine quant au contrôle de différents pays par l’endettement mais aussi à travers l’expansion de ce projet.

Enjeux géopolitiques:

En effet, si l’initiative « One Belt, One Road » répond indéniablement à des impératifs économiques les nouvelles Routes de la soie recouvrent également une importante dimension géopolitique et stratégique. Que ce soit par voie terrestre ou maritime, le tracé des routes est révélateur des ambitions de Pékin. La Chine conduit en effet une stratégie de long terme qui doit lui assurer une influence certaine en Eurasie. Plus que de simples impératifs géopolitiques et économiques, les nouvelles Routes de la soie servent également le soft power chinois tout en permettant au régime de Xin Jinping d’offrir une alternative au modèle américain. Ainsi, en se basant sur des investissements massifs dans des infrastructures locales, en jouant la carte du long terme et de liens « gagnant-gagnant », la Chine cherche à se positionner comme un partenaire privilégié et viable pour de nombreux pays, capitalisant, dans le même temps, sur le repli américain. Jusqu’à présent, la Chine a passé des accords dans le cadre des routes de la soie avec 126 pays montrant ainsi la volonté de la chine de coopérer à travers le monde avec les différents pays permettant par la suite des relations saines et stables favorisant les négociations entre ces derniers.

Ce projet s’inscrit également dans une dimension géopolitique puisqu’il permet à la Chine le contrôle de nombreux territoires et pays moins développés comme le Laos. Il permet également une influence en Europe. On peut prendre le cas de la Grèce avec l’exemple du port de Pirée racheté par le géant chinois Cosco. Ce dernier en devient maître en 2016 alors que la Grèce connaissait une situation économique en crise. Son objectif : faire du Pirée une étape clef de la nouvelle route de la soie voulue par Pékin. 80% des échanges commerciaux entre la Chine et l’Europe empruntent désormais ce chemin. Le développement du port a créé de nouveaux emplois, qui ont convaincu une partie des habitants d’un quartier populaire jouxtant le port.

Tous ne sont pas élogieux, “les salaires ont baissé, le travail est plus intensif et les emplois plus précaires“.

selon un syndicaliste

En Europe, la Chine contrôle 10% des capacités portuaires. Ainsi la Chine, grâce à des entreprises chinoises soutenant la volonté d’influence du pays et investissant dans diverses infrastructures, contrôle une partie du monde que ce soit à travers des enjeux économique grâces aux entreprises ou politique avec le rôle de l’état a travers des accords entre ces derniers autour des enjeux et du projet des nouvelles routes de la soie.

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Ainsi ce projet chinois démontre la volonté récente de la Chine de s’affirmer indépendamment des états unis, envers les autres pays comme « sauveur », et sur le devant de la scène internationale. Ces nouvelles routes de la soie deviennent alors nécessaires à la Chine alliant des enjeux économiques et géopolitiques permettant de pousser la chine directement au centre du monde et faisant d’elle une puissance majeure et un fort levier d’influence tant sur des pressions économiques que géopolitiques entre états. De plis l’état chinois peut également compter sur la participation active des entreprises chinoises compatriotes appuyant d’autant plus la présence chinoise et sa volonté d’influence et de domination partout dans le monde.

Les ambitions chinoises se heurtent néanmoins à des limites, notamment environnementales. Si le changement climatique laisse entrevoir de futures opportunités en Arctique, avec l’ouverture d’un nouvel itinéraire maritime et l’accès à de nouvelles ressources, la nécessaire protection de ces milieux fragiles devrait susciter de fortes résistances de la part des autres États et surtout de l’opinion publique mondiale.

Sources: le Monde, le Figaro, Cairn, Trésor gouvernement, France 3 (sujet de grand oral élève de terminale transversale HGSSP/SES).