
Un conflit vieux de plus de 70 ans autour de la province du Cachemire
Le 15 août 1947, les Britanniques sur le départ divisent l’Empire des Indes en deux États souverains : l’Inde majoritairement hindoue et le Pakistan musulman. Très rapidement, la question du Cachemire devient un point de friction entre les deux États puisqu’il n’a été attribué à aucun des deux territoires. Le Pakistan revendique ce territoire à majorité musulmane, mais le maharajah hindou qui le dirige, opte pour l’indépendance. C’est dans ces circonstances qu’éclate la première guerre indo-pakistanaise. Elle durera douze mois. La guerre prend fin le 1er janvier 1949, sous l’égide de l’ONU. Une ligne de cessez-le-feu est créée (appelée « Ligne de contrôle » à partir de 1972), qui sépare l’ancien État princier en deux territoires : au nord, la partie pakistanaise (1/3), et au sud, le Jammuet-Cachemire indien (2/3), composé de la vallée de Srinagar à dominante musulmane au nord ainsi que des plaines à prédominance hindoue du Jammu au sud. L’Inde accorde à cette région une autonomie importante pour mieux la fidéliser.

La partie indienne du Cachemire s’étend sur une superficie de 222 200 km2 et compte près de 12,5 millions d’habitants. La partie pakistanaise, connue sous le nom d’Azad-Cachemire, s’étend quant à elle sur plus de 86 000 km2, avec près de 6,4 millions d’habitants. Après cette intervention de l’ONU, il devait y avoir un referendum pour que les habitants du Cachemire décident de « leur sort ». Cependant il n’aura jamais lieu car l’Inde et le Pakistan avaient peur que le Cachemire devienne une région complètement indépendante. Entre août et septembre 1965, le conflit armé au Cachemire est relancé avec l’intrusion dans la partie indienne d’un millier de partisans du Cachemire libre, soutenus par le Pakistan. Cette seconde guerre indo-pakistanaise s’acheva par une médiation soviétique. Depuis, les tensions sont ravivées périodiquement dans la région, notamment en 1971 et 1999. La guerre que se livrent les deux pays en 1971 avait pour principal enjeu le Pakistan oriental qui, grâce à l’intervention de l’armée indienne, réussit à arracher son indépendance, donnant naissance au Bangladesh.
Focus sur le point chaud du glacier du Siachen
Le glacier de Siachen (zone inhabitée, 5000m altitude, situé au nord de la ligne de contrôle) se retrouve régulièrement au cœur du conflit entre Inde et Pakistan comme lors de l’affrontement de 1984. Chaque camp revendique le glacier et l’intègre à leurs cartes territoriales. La Chine intervient également et revendique 3 zones dont l’Aksaï Chin (pour mieux contrôler le Tibet et le Xinjiang). Cette région du Siachen est marquée par d’importants mouvements indépendantistes. En 1989, dans la vallée du cachemire indiens des groupes d’insurgés aux intérêts différents se rebellent contre le pouvoir de New Dehli et certains réclament l’indépendance de la région. D’autres envisagent la création d’un état islamique soutenu par le Pakistan et les combattants islamiques pakistanais. L’année 1999 est l’un des épisodes les plus meurtriers de cette période. New Delhi accuse Islamabad d’avoir infiltré sa portion du Cachemire dans la ville de Kargil avec des combattants islamistes et des soldats pakistanais, dans le but de s’emparer du glacier du Siachen et de soutenir la rébellion armée. Les combats font plus de mille morts des deux côtés de la frontière. Une guerre totale entre les deux pays devenus des puissances nucléaires est évitée de peu
La nouvelle donne avec l’élection de Narendra Modi

Aujourd’hui les tensions restent d’actualité notamment avec l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi, Premier Ministre indien depuis 2014, un ultranationaliste hindou. La population du Cachemire toujours à majorité musulmane dénonce sa brutalité (les arrestations se multiplient et les organisations des droits de l’homme évoquent même des cas de tortures). Le 14 février 2019, un attentat suicide vise des militaires indiens (41 militaires tués) dans le district de Pulwama (partie indienne du Cachemire). Il est revendiqué par le groupe terroriste pakistanais Jaish-e-mohammed. L’Inde accuse le Pakistan de soutenir le terrorisme et envoie des avions bombarder des cibles au sein même du territoire pakistanais (une première depuis des décennies). Narendra Modi, réélu quelques mois plus tard, révoque le lundi 5 août 2019 l’autonomie constitutionnelle du Cachemire (la région ne pourra plus mettre en place ses propres lois mais les citoyens non kashmiris pourront y acheter beaucoup plus facilement qu’auparavant). Cela a pour but de rattacher d’avantage la zone à l’Inde et de faciliter l’installation d’Indiens sur un territoire à majorité musulmane. Cette décision unilatérale inquiète le Pakistan qui dit faire tout ce qui est en son pouvoir pour contrer cette mesure de Narendra Modi comme le montre le récent discours de Rashid Ahmed ministre des transports pakistanais : « désormais nous devrons voir comment combattre cet Hitler nazis » Discours de Rashid Ahmed ministre des transports pakistanais
La question du Cachemire : une illustration de la géopolitique internationale contemporaine

Le conflit du Cachemire s’éternise depuis plus de 70 ans. Entre guerres, rebellions, frictions entre Etats, la situation sur le terrain reste imprévisible notamment depuis l’abolition de l’autonomie du Cachemire par New Dehli le 5 aout 2019. Ainsi, le conflit au Cachemire a fait un nombre considérable de victimes dans les deux camps sans qu’aucune solution satisfaisante, pour l’une ou l’autre partie, ne soit trouvée afin de régler la situation. L’apparition de la bombe nucléaire dans cette région hautement instable dans les années 1990 a complètement changé la donne, transformant ainsi ce conflit bilatéral en conflit multilatéral, impliquant non seulement les grands pays voisins comme la Chine mais aussi plus largement les Etats-Unis. Cependant, depuis la crise du Kargil en 1999, les relations entre l’Inde et le Pakistan autour de la question cachemirie ont subi un pic de tensions (du fait de la dissuasion nucléaire). Depuis 2001-2002, des discussions afin de tenter de régler pacifiquement ce combat fratricide sont ouvertes. La question du Cachemire est devenue révélatrice de la géopolitique internationale contemporaine. Les lourds déploiements sécuritaires et les interdictions de déplacements et de rassemblements sont toujours en place et continuent d’empêcher certains habitants du Cachemire d’exprimer démocratiquement leur rejet de la tutelle indienne. Proche de l’administration Trump, le gouvernement Modi s’inquiète de voir arriver prochainement à la Maison Blanche un démocrate, traditionnellement plus favorable au Pakistan, et qui se montrera sans doute plus sensible que son prédécesseur à la chape de plomb sécuritaire que New Delhi fait peser sur le peuple cachemirien pour éviter un soulèvement. Aujourd’hui, le combat religieux et frontalier s’est déplacé vers une lutte pour s’approprier les richesses de cette région montagneuse, à commencer par l’eau. Alors que les tensions s’accumulent entre Inde et Pakistan, quels seraient les dégâts d’un conflit nucléaire entre les deux puissances ?
Sources utilisées
Arte
Le monde
Wikipédia
Mémoire online
Diplomatie