Deepwater Horizon, une catastrophe pétrolière sans précédent

Cela fait maintenant 10 ans qu’une des plus grandes marées noires de l’histoire dévastait le Golfe du Mexique, suite à la catastrophe du Deepwater Horizon. Deepwater Horizon était une plate-forme pétrolière louée par la compagnie pétrolière BP destinée au forage des ressources offshore dans le golfe du Mexique, un forage qui s’est déroulé dans les eaux territoriales américaines et qui a fait de ce territoire le puits le plus profond jamais creusé en offshore.

« Ce qui rend cette marée noire unique – outre sa taille et sa portée, qui étaient sans précédent – est probablement le nombre de types d’écosystèmes qui ont été touchés. Et à notre connaissance, l’impact réel du déversement n’est pas encore terminé. »

Dix ans après la pire marée noire de l’histoire des États-Unis, c’est ainsi que Tracey Sutton, chercheur en écologie océanique et directeur du Deepend Consortium, qui étudie l’impact de la catastrophe de Deepwater Horizon, en évalue les conséquences.

La plate-forme pétrolière a explosé le 20 avril 2010 générant un incendie causant la mort de onze techniciens, suivit d’une marée noire qui a entrainé le déversement de centaines de millions de litres de pétrole dans la mer qui a engendré une pollution qui a affecté l’écosystème et l’économie locale, mais aussi menacé plus de 400 espèces marines. Cette catastrophe serait la plus importante aux États-Unis depuis l’Exxon Valdez en 1989 et un désastre écologique inédit.

10 ans après la catastrophe il apparaît que l’ampleur de cet accident aurait été sous-estimée mais pourtant les pratiques de l’industrie pétrolière demeurent largement inchangées…

Marée noire Deepwater Horizon : une fuite de 59 000 barils de pétrole  chaque jour et une amende record
Photographie de Deepwater Horizon peu après l’explosion

La création d’une plateforme pétrolière aux capacités colossales

BP loue jusqu’en septembre 2013 la plate-forme pétrolière ultra-moderne Deepwater Horizon, construite en 2001 en Corée du Sud et appartenant à Transoecan, dans le but de faire le forage en mer le plus profond du monde. Celle-ci est positionnée à 400 km des côtes américaines (Louisiane) où le 2 septembre 2009 elle fore le plus profond puits de pétrole et de gaz jamais réalisé, avec une profondeur verticale de 10 685 mètres dont 1 259 m sous l’eau. La plateforme permettait de forer jusqu’à environ 9 100 m, quoique la profondeur effective dépende fortement des choix technologiques retenus pour le forage, et de la nature des sols rencontrés.

L’ampleur des dégâts a prit une proportion démentielle

La fuite de pétrole détectée suite à l’explosion est d’abord évaluée à 159 000 litres par jour par BP, puis revue à 795 000 litres par la National Oceanic and Atmospheric Administration, une estimation bien supérieure à celle annoncée par BP. Cette sous-estimation serait due à une troisième fuite située plus près de la source et non repérée auparavant selon la compagnie pétrolière. Plus d’un mois après le début de la fuite, et après plusieurs mesures de confinements tentées par BP, certains experts ont avancé que la fuite s’élèverait à 11 100 000 litres par jour.

Deux jours après l’explosion, les autorités réalisaient que du pétrole fuyait toujours de la plateforme à un rythme considérable. Au total, il aura fallu 87 jours pour colmater la fuite, déversant des quantités énormes de pétrole dans la mer.

Le 29 avril il est annoncé que la fuite pétrolière a engendré une nappe d’environ 3 000 km2, le soir les premières plaques ont pénétré les marais du bayou et l’embouchure du Mississippi . La taille de celle-ci augmente rapidement, atteignant 9 900 km2 le 30 avril, les premières boulettes de pétrole brut sont repérées sur les plages de Louisiane.

Début mai, la nappe s’est étendue du Mississippi jusqu’en Alabama en raison des forts vent du sud-est. Le 5 mai, la nappe mesurait approximativement 208 km de long et 112 km de large, soit 23 300 km2. Le 9 mai, les premières traces de pétrole ont été aperçues sur les plages de l’Alabama.

Réalisée en 2015, l’étude de référence de l’Université de Floride présentait des chiffres impressionnants : 795 millions de litres de pétrole seraient remontés du sous-sol océanique après l’explosion et une superficie totale de 149.000 km² aurait été polluée. Il semble pourtant que l’étendue des dégâts ait été sous-estimée d’un tiers.

Deepwater Horizon : la base de la chaîne alimentaire a été contaminée
Ampleur des dégâts causé par Deepwater Horizon en comparaison avec d’anciennes catastrophes pétrolières

Que sait-on aujourd’hui de l’ampleur des impacts sur la biodiversité ?

En explorant les profondeurs du Golfe du Mexique, la chercheuse Samantha Joye découvrait en effet en 2011 « un tapis huileux de 7.000 km², jonché d’organismes morts et de coraux enduits d’une vase noirâtre », qui recouvrait les fonds marins proches de la plateforme, à 1600 mètres de profondeur.

Samantha Joye

Ce désastre a eu des conséquences dévastatrices pour l’environnement. Un rapport, publié par l’association Oceana en avril 2020 à l’occasion du dixième anniversaire de Deepwater Horizon, détaille les conséquences dévastatrices de la catastrophe pour les animaux marins. Celle-ci annonce que beaucoup d’entre eux souffrent de pathologies : pendant cinq ans, 75 % des grossesses chez les dauphins ont échoué, la population de rorquals de Bryde, l’une des espèces de baleines les plus menacées, a diminué de 22 %. Jusqu’à 170 000 tortues de mer sont mortes, des centaines de milliers d’oiseaux – certaines estimations parlent de 800 000 oiseaux tués, 8,3 millions d’huîtres, certaines populations de poissons, de crevettes mais aussi de calamars ont baissé de 50 % à 85 %. Les tortues de mer, préservées par des décennies d’efforts de conservation, ont elles aussi payé un lourd tribut à la catastrophe. Mais c’est également la biodiversité des fonds marins qui a été considérablement affectée. L’état de santé des coraux, florissant dans le Golfe du Mexique avant la marée noire, inquiète tout particulièrement les scientifiques, qui estiment qu’il faudra des décennies voire des centaines d’années pour leur rétablissement. La pollution s’est aussi étendue jusqu’aux côtes, les dégâts sont permanents.

Si les conséquences de la marée noire sur la santé humaine sont désastreuses, avec une augmentation impressionnante des cas de maladies hématologiques, pulmonaires et cardiaques parmi les quelques 100 000 personnes chargées de nettoyer les plages, les écosystèmes marins demeurent donc les premières victimes de cette catastrophe. En plus des centaines de milliers d’animaux retrouvés morts mazoutés, beaucoup d’espèces souffrent encore dix ans plus tard des dégâts causés par l’explosion.

Marée noire en Louisiane - L'Express
Pélican mazouté en réaction à la fuite de pétrole

Quelle condamnation pour une catastrophe pétrolière ?

Un an et demi après le drame, les autorités fédérales américaines ont présenté leurs conclusions sur l’origine de l’explosion. Leur rapport pointait un défaut du coffrage en ciment du puits, qui aurait dû empêcher le pétrole de remonter, comme « la cause principale de l’accident ». Si les responsabilités de diverses entreprises sont engagées, comme Halliburton et Transocean, les enquêteurs concluent que BP, en tant que propriétaire du puits, est l’ultime responsable de l’accident. Le géant britannique aurait en effet tenté de gagner du temps et de réduire les coûts sans considérer les conséquences dramatiques de ses choix. L’entreprise a donc été condamnée à verser 65 milliards de dollars en frais judiciaires, de dédommagements et de nettoyage. Certaines mesures ont en outre été mises en place par le gouvernement américain et les compagnies pétrolières pour améliorer la sécurité des forages en mer. Mais ces dispositions se révèlent bien trop légères face à l’ampleur de la catastrophe de Deepwater Horizon, qui a été largement sous-estimée par les premières estimations.

Même si des efforts timides ont été entrepris sous l’administration Obama, l’arrivée de Donald Trump au pouvoir a favorisé les intérêts des industries pétrolières, annulant les avancées législatives, et proposant d’ouvrir la quasi-totalité des eaux côtières à l’exploitation pétrolière et gazière. Malgré l’opposition croissante des communautés et des villes aux nouveaux projets de forage, les géants du pétrole, loin d’avoir été découragés par cette marée noire sans précédent, continuent donc d’exploiter les réserves offshores.

Pour aller plus loin :

Un film intitulé Deepwater Horizon a été produit en 2016 en réaction à la catastrophe pétrolière, preuve que la catastrophe a bien fait l’objet d’un enjeu médiatique.

En voici le résumé : ” La plateforme pétrolière Deepwater Horizon n’arrête pas de tourner pour tirer profit des 800 millions de litres de pétrole présents dans les profondeurs du golfe du Mexique. Mike Williams connaît les risques de son métier, mais fait confiance au professionnalisme de son patron Jimmy Harrell. “

Deepwater en DVD : DEEPWATER HORIZON-NL - AlloCiné
Affiche du film ” Deepwater Horizon ” paru en 2016

Sources :

  • Techno science – Deepwater Horizon
  • Le Monde – Dix ans après Deepwater Horizon, la marée noire a causé des dégâts permanents
  • Sciences et avenir – Retour sur les causes de l’explosion de la plateforme pétrolière
  • Mondialisation – 10 ans après la catastrophe aucune leçon n’a été tirée
  • Sciences et avenir – Deepwater Horizon, les leçons manquées de la catastrophe
  • L’Express
  • Futura Sciences