article rédigé par Gagne Flavie, Carrique Charlotte et Allary Sidney
Une démocratie est un régime politique qui respecte 4 principes fondamentaux : la souveraineté nationale, le pluralisme politique, le respect de toutes les libertés et la séparation des pouvoirs. A l’inverse, un régime devient dictatorial s’il ne respecte plus un de ces 4 principes.
De nombreux pays ont connu et connaissent encore des transitions dictatoriales, c’est le cas de Hong Kong et de la Russie.
Nous avons donc voulu savoir, grâce à des témoignages, comment se vit au quotidien le passage d’une démocratie à une dictature.
Afin de répondre a cette question, nous avons eu la chance et l’occasion d’interviewer deux étudiants de nationalités différentes et qui n’ont pas grandi dans le même type de régime politique. Leurs regards avisés, de l’intérieur, permettent d’éclairer le fonctionnement complexe de ces deux territoires.
La Russie, au cœur d’un système politique complexe
La Russie est une république fédérale. Le président est normalement élu pour 6 ans, cependant, depuis 1999, un seul homme est la figure centrale du pouvoir exécutif : Vladimir Poutine. Donc, cette république peut se confondre à un régime autoritaire, et plus particulièrement comme une forme d’autoritarisme compétitif (régime autoritaire mais qui va introduire un certain degré de pluralisme et de compétition dans son fonctionnement). Le régime reste complexe avec le choix de pouvoir changer de président cependant les votes sont généralement faussés avec une faible liberté d’expression et une forte propagande gouvernementale. Aujourd’hui, il est possible de s’opposer au régime Russe mais au péril de sa liberté et de sa vie… On peut ainsi parler de démocrature, régime autoritaire avec une façade démocratique.
Pour comprendre ce régime politique russe, un jeune natif de 17 ans nous fait part de son expérience. Sa vision lui est propre : en effet il est né et a grandi en Russie, il n’a pas connu différents types de régimes politiques. De plus, n’étant pas majeur sa participation à la vie politique n’est pas active : il est spectateur d’un régime particulier.
Peux-tu nous décrire la situation politique de la Russie ?
Oui donc dans la vie politique, c’est assez triste parce qu’il y a M. Vladimir Poutine et maintenant c’est la 4ème fois qu’il est élu président de la Russie. Aujourd’hui cela fait 20 ans qu’il est au pouvoir parce que la 1ère fois qu’il a été élu c’était en 1999 puis en 2004 et ensuite en 2012 et la dernière fois c’était en 2018. En réalité ça aurait du être la dernière fois qu’il aurait du être élu et prendre parti aux élections présidentielles russes mais, durant l’été 2020, il a changé la Constitution russe où il était mentionné le fait de ne pouvoir être président uniquement 4 fois. Cependant Vladimir Poutine l’a modifié afin de pouvoir être président autant de fois qu’il le souhaite. Il pourra donc se présenter aux élections 2024 puisqu’il contrôle le système des élections. Il peut modifier le nombre de votes.
Il y a t-il une réelle opposition lors des élections présidentielles ?
Évidement il y a des candidats, nous avons différents partis comme les libéraux, les communistes, les démocrates, les nationalistes. En réalité, les véritables opposants sont mis en prison ou tués comme cela a été le cas pour Boris Nemtsov, ou d’autres qui ont fui la Russie parce que cela devenait trop dangereux pour eux. Ils pouvaient être tués pour leur opposition.
As-tu l’impression d’être en démocratie ?
Je ne pense pas que nous sommes en démocratie, ni en dictature parce que, à la télévision, dans les journaux et à la radio, nous pouvons dire ce que nous voulons de Vladimir Poutine, de sa politique. De plus, j’ai la liberté de pouvoir t’en parler. Si c’était une réelle dictature, je ne pourrais pas avoir une conversation comme celle-ci avec toi.
Penses-tu que le système politique à une influence dans ta vie ?
Nous ne chantons pas l’hymne tous les matins et nous parlons de politique avec notre entourage. Actuellement je suis un adolescent donc je ne pense pas trop à la politique et dans ma vie personnelle, je ne suis jamais soumis à une influence politique. Nous ne sommes pas contrôlés, nous ne pouvons juste pas voter pour qui on veut. Poutine ne contrôle pas ma vie, je suis une personne libre.
Est-ce que tes parents ont déjà participé à des élections libres ?
Non. Mes parents n’ont jamais réellement voté comme des gens libres.
Penses-tu qu’un jour la Russie sera une démocratie ?
Je pense que oui car Poutine est âgé et j’espère qu’il s’en ira rapidement. Non, plus sérieusement, il y aura forcément une autre personne et je pense que quelque chose changera car j’ai l’impression que les gens sont fatigués de lui. Mais nous ne pouvons rien faire car c’est trop dangereux donc nous attendons…
Que penses tu de la culture et du pays dans lequel tu vis malgré ce système politique particulier?
Je pense que la Russie est le plus beau pays du monde, avec tant de paysages différents et d’endroits merveilleux à voir. La Russie a une grande histoire et son impact sur la civilisation mondiale est énorme. La Russie compte tant de personnes talentueuses qui ont créé notre littérature, notre musique, notre art et notre grande science. J’aime la Russie et je suis sûre que bientôt tout va changer pour le mieux.
Est-ce que tu te sens libre de donner ton opinion, en particulier durant cette interview ?
Oui, je peux donner mon opinion librement, je choisis simplement à qui je le dis.
fdccc
Quelle vision de Hong-Kong a un étudiant français vivant dans ce pays au régime politique complexe ?
Située au Sud-Est de la Chine, Hong-Kong a longtemps été une colonie sous autorité britannique, mais avec une forte autonomie, puis a été rétrocédée à la République Populaire de Chine en 1997 avec un statut spécial sensé préserver son régime démocratique : “Un pays, deux systèmes“. Malgré cette engagement, elle est devenue depuis le 1er juillet 2021 une dictature. Ainsi, du jour au lendemain, les libertés fondamentales se sont éteintes. Dire ce que l’on pense est devenu dangereux tout comme critiquer les autorités chinoises. Tout a changé dans la vie des hongkongais, ils se méfient de tout et notamment de ce qu’ils disent. « Tout le monde cherche à éviter les ennuis (…)” a dit un éditeur chinois. Pour ce territoire il s’agit là d’un renoncement fondamental à toutes les libertés.
Pour connaitre et comprendre d’avantage ce régime politique d’apparence complexe nous avons réalisé une interview auprès d’un étudiant français de Sciences po Lyon actuellement à Hong-Kong. En effet, Julien*, ancien élève du lycée Simone Weil, effectue sa 3ème année en étude de science politique dans la ville surnommée “Perle d’Orient“. Sa situation est donc particulière, c’est un citoyen français qui vit sur un territoire qui était démocratique (Hong-Kong) mais qui l’est de moins en moins…
En tant qu’étudiant étranger, on est très peu affecté par les problèmes d’ordre politique.
Comment te sens-tu dans ce pays ?
Je m’y sens très bien. Cela fait maintenant 5 mois que je suis arrivé ici, il m’en reste 4 si tout se passe bien. C’est vraiment une super destination pour un échange universitaire avec beaucoup de choses à faire, que ce soit les plages, les montagnes, les temples ou encore les musées. La ville a été épargné du Covid jusqu’à présent ce qui fait que j’ai pu vivre un premier semestre « normal » sans restrictions ou presque, mis à part les deux semaines de quarantaine à l’arrivée. La contrepartie de ces mesures de quarantaine est qu’il m’est impossible de voyager en Asie pour l’instant.
Comment s’organise la vie politique à Hong Kong ?
La vie politique à Hong Kong a lieu dans un système politique multipartiste dominé par une constitution connue sous le nom de Loi Fondamentale, qui est en quelque sorte l’équivalent de notre Constitution française. Ce système politique est indépendant de celui de la République Populaire de Chine, comme l’indique la formule « un pays, deux système » où les deux systèmes sont grosso modo le régime communiste de Chine continentale et le régime démocratique hongkongais. La séparation des pouvoirs est en théorie assurée, même si dans la pratique c’est de moins en moins le cas. Le pouvoir exécutif est exercé par le gouvernement, avec à sa tête une cheffe de l’exécutif qui est actuellement Carrie Lam.
Quelles sont les différences avec le régime politique français ?
Disons qu’en tant qu’ancienne colonie britannique, le système politique hongkongais est calqué sur le modèle anglo-saxon où le chef de l’État est le chef du gouvernement tandis qu’en France, c’est le premier ministre qui est le chef de l’État. Le système est donc parlementaire. Étant donné qu’Hong Kong n’est pas un État a proprement parlé, on parle plutôt de chef de l’exécutif plutôt que de chef de l’État. Une autre différence notable réside au niveau du droit de vote puisque le suffrage universel n’existe pas sauf pour les élections locales, ce qui veut dire que les Hongkongais n’élisent pas leur chef de l’exécutif. Celui-ci est nommé par Pékin. Enfin, une différence plus récente concerne la garantie des libertés. Jusqu’à présent, le régime politique hongkongais garantissait les libertés de réunion, de presse ou encore d’expression, comme en France. Mais c’est de moins en moins le cas depuis quelques années, et ça risque de ne pas s’arranger avec le temps.
Ressens-tu directement l’autoritarisme chinois ?
Honnêtement très peu. En tant qu’étudiant étranger, on est très peu affecté par les problèmes d’ordre politique. En plus de cela, le Covid a donné un coup d’arrêt aux troubles politiques qui ont agité la ville ces dernières années donc d’apparence, la ville paraît vraiment très calme. Après il suffit de faire quelques recherches sur internet pour voir que chaque semaine, les autorités hongkongaises arrêtent des manifestants ou des figures du mouvement pro-démocratie pour des raisons souvent arbitraires. En ce qui concerne la censure, qui est grandissante à Hong Kong, c’est peut être plus net. Pour vous donner une exemple, je suivais un cours de relations internationales il y a quelques semaines. Un des étudiants a mentionné l’impérialisme chinois envers Taïwan et le professeur l’a tout de suite coupé en lui disant qu’il valait mieux ne pas aborder ce sujet. Il s’agit du seul moment où je me suis dit que je ne pouvais pas agir comme j’agirai en France par exemple.
Il sera en revanche compliqué de déterminer à quel moment la région passera d’une démocratie à une dictature, étant donné que le basculement vers l’autoritarisme se fait par de petites réformes successives.
Est-ce que le régime politique a évolué depuis que tu y vis ? Pourquoi, selon toi, Hong Kong n’est pas une dictature ?
À ma connaissance il n’y a pas eu d’évolutions majeures, mais disons qu’il y a un mouvement général vers plus d’autoritarisme et moins de démocratie. Par exemple, pour les élections législatives qui ont eu lieu il y a quelques semaines, un nouveau système a été instauré par le régime chinois afin de faire en sorte que seuls les « patriotes », autrement dit les candidats pro-Pékin, puissent se présenter aux élections hongkongaises, ce qui nuit grandement au caractère démocratique de ces dernières. Cela m’amène à répondre à la deuxième partie de votre question. En théorie, le régime politique de Hong Kong a toujours un fonctionnement démocratique puisque les citoyens sont encore appelés à voter et que les libertés de presse ou encore de manifester sont toujours garanties dans les textes. C’est en ce sens que l’on ne peut pas – ou du moins pas encore – qualifier Hong Kong de dictature. Cependant, les nouvelles lois passées récemment, qui sont pour la plupart non-démocratiques, vont sûrement se multiplier à l’avenir. Il sera en revanche compliqué de déterminer à quel moment la région passera d’une démocratie à une dictature, étant donné que le basculement vers l’autoritarisme se fait par de petites réformes successives.
Vas-tu participer aux élections présidentielles françaises ? Si oui, qu’est ce que ça te fait de pouvoir exercer ce droit dans un pays dictatorial ?
Je compte voter oui. Je me suis inscrit sur le registre des français de l’étranger afin de pouvoir voter ici sans avoir à faire de procuration. Je me rends compte de la chance que j’ai de pouvoir exercer ce droit, non pas dans la forme puisqu’ici aussi les citoyens votent, mais plutôt dans le fond. Selon moi, l’acte de vote fait sens en France puisque le pluralisme politique est assuré. Le ou la candidate pour qui je voterai aura très certainement des idées proches des miennes. Ici à Hong Kong, dès lors que seuls les candidats pro-Pékin peuvent se présenter, le pluralisme politique n’est plus assuré et tous les candidats ont souvent les mêmes programmes et les mêmes visions. Il y a donc un décalage net entre les visions des candidats et les aspirations des hongkongais. Ce n’est donc pas anodin si la grande majorité des hongkongais ont boycotté cette élection
* Le prénom a été modifié
lkh
Ces deux témoignages nous ont permis de comprendre davantage deux régimes politiques d’apparence complexe. On peut donc en conclure que la transition vers la dictature de ces deux puissances se fait de manière progressive, en particulier pour la Russie à l’heure actuelle. Ces témoignages nous intéressent aussi sur la liberté de la presse dans les pays dit “dictatoriaux”.
Enfin, nous tenons à remercier les deux intervenants d’avoir accepté de répondre à nos questions ainsi que pour leurs réponses claires et précises !
Bibliothèque des sources:
Russie :
https://www.franceculture.fr/geopolitique/la-russie-est-elle-une-dictature
https://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_en_Russie
Hong Kong :
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/6b/HKSAR_PRC_table_flags.jpg