Les enceintes, les barbelés, les miradors, les baraquements, les chambres à gaz et les fours crématoires de l’ancien camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz -Birkenau, le plus vaste du IIIe Reich, attestent les conditions dans lesquelles fonctionnait le génocide Hitlérien. Tandis que la génération des survivants disparaît peu à peu, une équipe de jeunes conservateurs tente de préserver le site. Un défi matériel, mais aussi moral : pour ne jamais oublier.
Le mémorial d’Auschwitz -Birkenau, placé depuis 1947 sous la protection de l’État polonais en tant que monument historique, est préservé depuis 1979 comme site d’importance universel pour l’humanité. Dans la justification de l’Unesco, il est dit que l’ancien complexe concentrationnaire ” témoigne irréfutablement de l’un des plus grands crimes jamais perpétrés contre l’humanité “.
Assistée d’un comité international composé d’historiens et de personnalités, les spécialistes chargés de préserver ce lieu doivent répondre, de manière concrète, à une question : “Comment maintenir le souvenir d’un des pires crimes commis dans l’histoire de l’humanité ? “
Restaurer le site est un travail de Titan
Chaque année, le défi à relever est colossal car l’entretien du site de 191 hectares coûte des millions d’euros. Il s’agit de maintenir l’authenticité de 155 structures de bois et de brique, en les consolidant sans les reconstruire, et conserver des centaines de ruines et vestiges, dont celles des chambres à gaz et crématoires dynamités par les nazis avant leur départ. Il faut également entretenir les kilomètres de routes et restaurer les milliers de documents et effets personnels des victimes.
Ce sont bâtiments qui n’étaient pas conçus pour résister à l’épreuve du temps. Tous les murs s’effritent, les toitures qui s’effondraient ont déjà été refaites. Les objets qui représentent les victimes, comme les valises, les cheveux entassés dans une salle, nécessitent également une véritable protection pour ne pas disparaître.
Installé dans une région marécageuse et confronté à la rudesse des hivers polonais, le site risque de disparaître.
Le camp de Birkenau possédait quatre complexes de chambres à gaz et crématoires. Trois ont été détruits par les SS en janvier 1945, tandis que le quatrième avait été détruit par les prisonniers eux-mêmes lors d’une révolte en octobre 1944. Préservées depuis 1969, les ruines sont restées en l’état depuis soixante-dix ans, elles sont protégées des visiteurs par un petit cordon de sécurité.
Jusqu’à présent, les travaux ont coûté 12 millions de zlotys (2,7 millions d’euros). Le financement des travaux est assuré par la Fondation Auschwitz-Birkenau, créée en 2009 et qui gère le fonds perpétuel destiné à préserver le site de l’ancien camp nazi. Jusqu’à présent, les donateurs ont contribué à cette Fondation à hauteur de 101 millions d’euros : l’Allemagne a versé 60 millions d’euros et parmi les plus grands contributeurs figurent également les États- Unis, la Pologne, la France et l’Autriche.
2,32 million de visiteurs ont passé les grilles du plus grand camp d’extermination nazi en 2019
Le temps n’est pas le seul ennemi d’Auschwitz. Son succès public contribue également à fragiliser le site, dont la fréquentation a été multipliée par trois en à peine quinze ans. Au mois d’août, où l’affluence est la plus forte, une personne passe toutes les deux secondes sous la porte “Arbeit macht frei” (“le travail rend libre”) à l’entrée du musée.
Une porte avec l’inscription “Arbeit macht frei” a été volé dans l’ancien camp nazi de Dachau
Les parquets d’origine des baraquements s’usent, les murs s’effritent à force d’être frottés par les sacs à dos des visiteurs. Certaines baraques sont fermées au public et ne sont visibles que par de petits groupes d’études. Cela permet de limiter les dégâts et de préserver les lieux dans leur état d’origine.
Et si Auschwitz disparaissait ?
L’historien néerlandais Robert Jan van Pelt fait partie d’une minorité de gens qui pensent que Birkenau devrait être laissé à l’abandon. Son idée, exposée à la BBC en 2009, est simple : lorsque le dernier survivant d’Auschwitz aura disparu, il faudra laisser le camp disparaître à son tour.
Trois cents survivants étaient présents lors de la cérémonie du souvenir pour les 70 ans de la libération du camp le 27 janvier dernier. Ils étaient près de 2 000 dix ans plus tôt. Qu’adviendra-t-il d’Auschwitz lorsque tous ceux qui y ont été persécutés auront disparu ? Que restera-t-il lorsque les porteurs de mémoire ne seront plus là pour témoigner ?
Ce qui compte finalement, lorsque l’on visite Auschwitz-Birkenau, c’est ce que l’on ressent et qui marque à jamais ceux qui font le voyage dans ce lieu inconcevable. Non, on ne comprend pas mieux Auschwitz et la barbarie nazie après y être allé. On se sent encore plus démuni devant l’horreur. Mais se rendre sur place, là où se sont produits ces événements, permet de saisir une atmosphère, de s’imprégner d’une ambiance que nul mémorial, livre, film ou témoignage de survivant ne pourra jamais remplacer. Car c’est ici que l’indicible est arrivé, et où reposent les âmes de plus d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants innocents.
Sources :