La Grèce des Colonels

Le 21 avril 1967, un groupe de colonels grecs avec Georgios Papadopoulos à leur tête, organise un coup d’État contre le gouvernement de Panayote Canellopoulos. La junte militaire instaure un régime de terreur, abolit la plupart des libertés civiles, impose la censure aux médias, supprime des partis politiques ainsi que de nombreuses organisations. Ce nouveau pouvoir est soutenu par les États-Unis en raison de la situation stratégique de la Grèce dans l’équilibre géopolitique méditerranéen au moment de la guerre froide. La dictature des colonels provoquera cependant sa chute à l’occasion de la Crise Chypriote.

File:Pattakos, Papadopoulos and Makarezos.jpg - Wikimedia Commons
Grèce des Colonels : Pattakos, Papadopoulos et Makarezos

PRISE DE POUVOIR

Depuis avril 1967, la Grèce connaît depuis 4 ans une situation politique instable. Les élections de 1963 (les premières élections libres en près de 40 ans) avaient emmenées au pouvoir George Papandréou, vieil adversaire de la droite dure qui avait été destitué par le roi Constantin 2. Cette destitution entraîna une instabilité gouvernementale croissante et des difficultés sociales qui profitèrent largement à la gauche. Après de nombreuses manifestations, un groupe de colonels ambitieux conduit par Papadopoulos passe à l’action en profitant de l’inertie de la monarchie et s’empare du pouvoir en abolissant la Constitution. Il semblerait que les colonels aient bénéficié des services de renseignement américains, inquiets d’une possible révolution en Grèce.

LE PAYS MIS AU PAS

Dans les semaines qui suivent, le pays est mis au pas ; les opposants : milliers d’hommes politiques, en particulier les hommes de gauche , communistes, artistes, écrivains sont arrêtés, torturés voire déportés dans les îles de la Mer Égée. Cette prise de pouvoir abolit les libertés fondamentales, oblige la censure aux médias et supprime de nombreux partis politiques ainsi que des organisations. Le 15 mars 1968, Papadopoulos présente l’avant-projet d’une nouvelle Constitution qui renforce le pouvoir exécutif et limite les libertés individuelles. La situation économique difficile de la Grèce alimente un mécontentement croissant à l’endroit du régime des colonels. En mai 1973, un complot organisé par des officiers de marine échoue. En réaction, le premier ministre Georgios Padapoulos fait proclamer la République par référendum le 1er juin.

NOUVEAU GOUVERNEMENT

La dictature devient très rapidement impopulaire et sombre dans une surenchère nationaliste et xénophobe, qui n’est pas sans rappeler celle du dictateur Metaxas dans les années 30. Padapoulos est renversé par une junte en novembre, mais la contestation et la répression continuent. La crise chypriote de juillet 1974 révèle l’impuissance du régime militaire qui est évincé au profit d’un gouvernement formé de civils. Des élections se déroulant le 17 novembre 1974 sont remportées par le Parti Nouvelle Démocratie qui remporte 220 sièges sur 300. Le 8 décembre, un référendum permet à la population de se prononcer sur le sort de la monarchie. Les Grecs se prononcent contre à 69 %.

UN COUP FATAL AU CINÉMA GREC

Le régime des colonels favorisa le développement de la télévision et la mise en place de programmes de qualité afin de fidéliser le téléspectateur, tout en interdisant ou censurant de nombreuses œuvres, littéraires ou musicales. Dans ce but, la télévision entreprit de diffuser et rediffuser les grandes comédies du cinéma populaire des deux décennies précédentes. L’idée étant de garder la population grecque chez elle et d’éviter qu’elle se réunisse et discute, aussi bien dans la salle de cinéma que dans la file d’attente. Dans le même but, la Fédération nationale des ciné-clubs fut détruite. Les ventes de tickets de cinéma baissèrent de 10 % sur l’ensemble du pays entre 1968 et 1971 ; surtout, elles baissèrent de 20 % à Athènes ; la chute pour les films grecs était de 30 %. Le cinéma national s’effaçait face au cinéma étranger, surtout américain et italien. En 1974, les spectateurs n’étaient plus qu’un million et demi à fréquenter les salles de cinéma qui projetaient une quarantaine de films grecs.

LA RÉSISTANCE A TRAVERS LES ARTS

Les artistes ont toujours été témoins et porte-paroles des révoltes et des résistances. En Grèce, les musiciens sont à la fois des moteurs et des témoins de la Résistance et des soulèvements. Voici deux des plus grands interprètes grecs connus grâce à leurs chansons “historiques”. Celles-ci sont une forme d’art engagé face aux évènements de l’époque, une forme d’expression très utilisée en particulier lors de la rébellion face au système.

File:Mikis Theodorakis in Paris.jpg - Wikimedia Commons
En Grèce, Mikis Theodorakis, musicien protéiforme et d’une renommée internationale, a suscité un espoir de révolte face aux colonels à la fois par ses compositions et son engagement politique. Dès l’assassinat du député Lambrakis (« Z ») dont il était proche, il fonde les Lambrakidès (Jeunesse Démocratique), crée de très nombreux centres culturels et compose un grand nombre de chansons. Il s’oppose dès le deuxième jour à la dictature en lançant un appel à la résistance sous forme de tract et fonde le groupe de résistants du Front Patriotique.Devenue un symbole de la lutte des peuples contre l’oppression, la chanson et ses variantes sont intégrées par Costa-Gavras comme thème principal du film « Z ». Le grand public, hors de Grèce, découvre le compositeur à travers sa musique écrite pour Zorba le Grec, qui sort en 1964. Elle restera l’une de ses œuvres les plus célèbres, avec le Canto General (Pablo Neruda), et Axion Esti, un oratorio composé en 1960 sur les poèmes d’Odysseas Elytis (Prix Nobel en 1979).

Manos Loizos, quant à lui abandonne ses études de pharmacie pour devenir chanteur ; il devient musicien autodidacte mais se fait connaître en 1967: il devient l’un des musiciens les plus populaire en Grèce.  Il était connu pour ses idées de gauche et était un opposant farouche à la dictature des colonels. Il était aussi un membre du Parti communiste de Grèce. Sa chanson comme (O dromos – La rue) qui est une composition écrite dans les années 1960-62 qui fut censurée à cause de son contenu. La parolière, Kostoulas Mitropoulou, avait proposé une série de textes à Manos Loïzos pour qu’il les mette en musique. Elle fut chantée la première fois dans les clubs de Kolonaki par Maria Farantouri accompagnée de Manos Loïzos à la guitare. La chanson a été mise de côté sous la dictature des Colonels et reprise dès 1974 comme un symbole de la chanson engagée.

Durant l’année 1973, la contestation des milieux artistiques et intellectuels grecs s’intensifient : beaucoup sont exilés et participent à la lutte depuis l’étranger, en France notamment, autour de Sartre, Simon de Beauvoir ou Michel Leiris. La dictature des colonels perd peu à peu le soutien des autres pays et, la pression internationale s’intensifiant, sombre quelques mois plus tard après l’échec du coup d’État à Chypre.

Sources : Histoire pour tous, Bibliographie, Wikipédia, Radio France, Le Figaro, INA