L’assassinat d’Aldo Moro par les Brigades rouges, symbole des années dangereuses pour la démocratie italienne

Le 9 mai 1978, le corps d’Aldo Moro est retrouvé criblé de 12 balles dans le coffre d’une Renault 4L, dans une ruelle du centre de Rome. Président du principal parti politique italien, la Démocratie chrétienne, il avait été enlevé quelques semaines auparavant par un groupe terroriste d’extrême-gauche, les Brigades rouges. En quoi cet assassinat est-il révélateur des années terribles – les fameuses “Années de plomb” – qui ont menacé la démocratie italienne des années 1960 aux années 1980 ?

Après la chute du fascisme et la fin de la 2nde Guerre mondiale, l’Italie rentre dans une nouvelle ère, avec la proclamation de la République, le 2 juin 1946, et le retour de la démocratie. Mais les difficultés ne disparaissent pas, entre crise économique et instabilité gouvernementale. La situation s’aggrave à la fin des années 1960 avec la multiplication de groupes armés d’extrême-gauche et d’extrême-droite, le tout dans un contexte international tendu, celui de la Guerre froide.

Le retour de la démocratie et les difficultés d’après-guerre

Benito Mussolini (1883-1945)

L’Italie fait alors partie du camp libéral et atlantiste, mais le parti communiste, influencé par Moscou, reste le deuxième parti politique du pays. Deux courants politiques s’opposent en fait et se radicalisent : d’une part, l’extrême gauche, communiste marxiste-léniniste, et d’autre part l’extrême droite néofasciste, nostalgique du régime mis en place par Benito Mussolini de 1922 à 1943.

Le bâtiment de “la Banca Nazionale dell’Agricoltura” dans lequel la bombe a explosé le 12 decembre 1969

Les suspicions et les tensions se renforcent alors, jusqu’à déraper brutalement. L’attentat de “La Piazza Fontana“, le 12 décembre 1969, marque le début des “années de plombs” : une bombe explose devant la Banque de l’agriculture à Milan et fait 16 morts et une centaine de blessés. Il est attribué dans un premier temps à la mouvance anarchiste d’extrême-gauche, mais les soupçons se sont plus tard portés sur l’extrême-droite dans ce qu’on appelle “une stratégie de la tension” : il faut créer le chaos pour justifier un coup d’Etat militaire et le retour d’un régime autoritaire… Aujourd’hui encore, les véritables commanditaires de ce crime sont encore controversés, même si la piste d’extrême-droite est favorisée.

Mais il faut dire que les groupes d’extrême-gauche pratiquent eux aussi la violence politique, dont le plus célèbre d’entre eux : les “Brigades Rouges“. Ces derniers ciblent des personnalités politiques, des personnes des forces de l’ordre, ou encore des journalistes (soit 144 victimes recensées en 2007). En 1978, il décide de s’attaquer à un célèbre homme politique du centre gauche, qui vient de pousser à l’alliance politique entre la Démocratie chrétienne et le Parti communiste : le “compromis historique“!

Aldo Moro (1916-1978), homme d’Etat italien ex- président de la démocratie chrétienne

En effet, parmi les principaux objectifs d’Aldo Moro figuraient la stabilité politique, la réconciliation nationale et le progrès socio-économique de l’Italie. Il souhaitait avant tout agir en faveur de la démocratie chrétienne en Italie et sortir d’une opposition stérile entre ces deux grands partis.

Aldo Moro est en fait le successeur de De Gasperi, qui en 1942 créa la “Démocratie chrétienne” et accompagna la reconstruction économique d’après-guerre. Car pendant la Guerre Froide, la Démocratie Chrétienne est contre le Parti Communiste Italien, dont Togliatti est l’un de ses principaux dirigeants. Des années plus tard, en 1957 est signé le traité de Rome, l’acte fondateur de la CEE. Vient ensuite une période de violences politiques. En tendant la main aux communistes, Aldo Moro déplait aux extrémistes de gauche qui décident de s’attaquer à lui.

55 JOURS

Durée de la séquestration d’ ALDO MORO…ex PRÉSIDENT de la DÉMOCRATIE chrétienne italienne

Lors de son enlèvement le 9 mai 1978, ses 5 gardes du corps sont assassinés, signe de la détermination et de la violence des Brigades rouges.

Mais au sein de l’ouvrage composé de lettres écrites par Aldo Moro aussi appelé sa «prison du peuple», Moro ne s’abandonne pas au désespoir. Il écrit à sa famille, à ses amis, à ses camarades et à ses collègues, jusqu’au pape Paul VI. Il exprime alors son amour ou sa colère, il demande, il exige que s’ouvre la négociation pour sauver sa vie. Mais elles restent lettres mortes… Les responsables politiques ne semblent pas très pressés de lui venir en aide. En fait, la classe politique italienne est globalement corrompue et ne soutient pas Aldo Moro dans sa volonté de compromis avec le Parti communiste.

«Si vous n’intervenez pas, une page terrifiante de l’histoire italienne sera écrite. Mon sang retomberait sur vous, sur le parti, sur le pays… Que la sentence soit appliquée dépendra de vous. Si la pitié l’emporte, le pays n’est pas perdu.» écrit Aldo Moro dans son livre “Mon sang retombera sur vous

“Brigades Rouge”: Mario Moretti à la tête du groupe d’extrême gauche

Le 9 mai 1978, le corps d’Aldo Moro, président de la démocratie chrétienne, était retrouvé dans le coffre d’une voiture garée à via Caetani, dans le centre de Rome, à égale distance du siège du parti communiste et de celui de la démocratie chrétienne. Il a, en réalité, été kidnappé et retenu en otage durant plusieurs semaines, puis été assassiné par les Brigades rouges, criblé de douze balles.

Ce fut le 11-Septembre de l’Italie. Cinquante-cinq jours qui ont dévié le chemin qui se dirigeait vers une République enfin accomplie” écrit Ezio Mauro, ex-directeur de La Repubblica

Mais l’assassinat d’Aldo Moro ne signifie pas la fin des “années de plomb” : le 2 août 1980, l’attentat de la gare de Bologne, en Italie, était lui aussi un acte terroriste réalisé par les Brigades rouges. L’explosion a tué 85 personnes et a fait plus de 200 blessés. Cet attentat, finalement attribué à la mouvance néo-fasciste, est le plus tragique de l’histoire de l’Italie, traumatisant durablement la société italienne.

La Gare de Bologne suite à l’attentat du 2 août 1980

Le peuple italien est alors marqué par ces années difficiles et a peur du retour du fascisme au pouvoir. De plus, la multiplication des actes terroristes provoque une acceptation de la part des Italiens de mesures exceptionnelles de lutte contre le terrorisme. Elles ont laissé une empreinte durable et ont eu une répercussion majeure sur la démocratie italienne et sa mémoire collective. L’Italie a donc du tout mettre en œuvre pour lutter contre le terrorisme et garder un régime politique stable.

Avec l’assassinat de l’ex-président de la démocratie chrétienne le 9 mai 1978 à Rome, le peuple italien s’est vu perdre tout espoir d’une possible création d’une “République enfin accomplie”. La confiance dans la classe politique et les grandes idéologies de l’époque disparaît, ouvrant la voie à une nouvelle menace : le populisme d’un certain Silvio Berlusconi, avec sa “télé-poubelle”, son ultra-libéralisme et ses liens avec la mafia.

Pour compléter votre lecture n’hésitez pas à visionner les vidéos ci dessous pour en savoir davantage sur

Les Années de Plombs et les Brigades Rouges

Nos sources :

Article réalisé par Sarah NEFF, Camellia AITOUJABOUNE et Flavie BERTHOLET