Il y a bientôt 33 ans, suite à la chute de l’URSS le 25 décembre 1991, Boris Eltsine devenait le premier président de la Fédération de Russie. Mais alors comment cet homme, fils d’ouvrier, parti de rien, réputé alcoolique, a-t-il pu faire tomber la toute puissante URSS, vieille de 70 ans, et se hisser à la tête du nouvel Etat russe pendant plus de 8 ans, juste avant que l’ère poutinienne ne commence.
Un régime a bout de souffle….
En cette fin des années 80, l’URSS est plus affaiblie et divisée que jamais. Elle s’enlise en Afghanistan, les pays satellites européens contestent de plus en plus son autorité, elle enchaine les dirigeants (4 en 10 ans à peine !)… Même l’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev en 1985 avec ses audacieuses réformes de la Perestroïka et de la Glasnost, qui devaient sauver le régime, n’a rien arrangé. Au contraire…
De la misère au sommet
Un homme attend son heure. Il s’appelle Boris Eltsine, est né le 1er février 1931, et a grandi dans la misère et promiscuité, dormant dans son enfance à même le sol. Cependant, il réalise des études d’ingénieur et finit directeur de construction de travaux public. Entré au parti communiste en 1961, il en devient fonctionnaire, dirigerant ainsi par exemple la démolition de la Villa Ipatiev où fut exécutée la famille impériale en 1918. En 1981, il devient membre du comité central et entretien alors de bonnes relations avec M. Gorbatchev, alors ministre de l’agriculture. Il sera ensuite membre du présidium du Soviet suprême puis directeur du parti communiste de Moscou.
Les montagnes russes politiques
Ardent défenseur de la Perestroïka, il licencie des secrétaires et modernise les transports moscovites. Mais il critique les chefs politiques et s’insurge du comportement hésitant de Gorbatchev. Le 21 octobre 1987, lors d’une réunion du comité central, il fustige ce dernier et s’oppose à Victor Ligatchev, le numéro 2 du parti. Son intervention suscite de vives réactions : on le hue et l’insulte…le 11 novembre, il est démis de toutes ses fonctions.
En 1988, fort d’une grande popularité, il participe au défilé de la Place Rouge, réclame la démission de Ligatchev et se montre en faveur de la démocratie. Il s’oppose par la suite à Gorbatchev sur la question du multipartisme. En 1989, il devient député au « congrès des députés du peuple » où ses idées peuvent s’exprimer presque librement. L’année suivante, son parti, le Bloc Démocratique, remporte les élections et Eltsine est élu député à 80%. Il se présente ensuite à l’élection du président du Soviet suprême de la république socialiste fédérative de Russie tandis que Gorbatchev se fait président de l’URSS.
Eltsine-Gorbatchev, la guerre est déclarée
Eltsine remporte l’élection haut la main. Aussitôt nommé, il déclare vouloir l’autonomie de la Russie, l’une des 15 républiques de la fameuse Union des Républiques socialistes soviétiques. Une guerre politique s’enclenche alors entre les lois russes et soviétiques ! Eltsine proclame la supériorité des lois russes et présente même une déclaration de souveraineté le 12 juin 1990. Le mois suivant, le PCUS (Parti communiste de l’Union soviétique) prolonge le mandat de Gorbatchev, Eltsine s’en offusque, claque la porte du Congrès et rend sa carte de membre du parti communiste. Dans la foulée, le Parlement russe, soutenu par Eltsine, s’approprie les banques et caisses d’épargne, décision jugée illégale par Gorbatchev. En août, russes et soviétiques s’entendent et travaillent sur une politique économique commune. Eltsine l’adopte, Gorbatchev la rejette. Pendant ce temps, les divisions et la montée des nationalismes poussent de plus en plus l’URSS vers l’éclatement.
1991, l’année fatale…
En 1991, tandis que l’armée soviétique réprime les manifestations d’indépendance dans les états baltes, Eltsine les reconnaît indépendants. Le 10 mars un défilé de 300 00 moscovites réclame la démission de Gorbatchev. Le 12 juin lors des premières élections au suffrage universel, Eltsine est élu premier président de la fédération de Russie !
Le mois suivant, une tentative de putsch devant le parlement échoue. Eltsine sur un char appelle à la désobéissance civile. Par d’habiles manœuvres, il réussit à placer ses hommes dans le cabinet soviétique. Eltsine a les mains libres : il dissout le PCUS en août et confisque ses biens, idem pour le Soviet Suprême (corps législatif de l’URSS). Il saborde par la suite le Congrès des députés d’URSS.
En décembre alors qu’il cumule les rôles de président et de premier ministre de Russie, il rencontre ses homologues ukrainien et biélorusse puis, avec les représentants de 11 ex-républiques soviétiques, il proclame la Communauté des Etats Indépendants (CEI) : l’URSS est officiellement morte. Le 24, après une rencontre avec Eltsine, Gorbatchev démissionne : Eltsine a fait tomber l’URSS… !
Ainsi, Boris Eltsine laisse derrière lui deux héritages contradictoires. Pour nous, les Occidentaux, il est figure de paix et de lutte en faveur de la démocratie. Mais pour les Russes, il est avant tout le fossoyeur de l’URSS et l’homme qui apporta la misère et la corruption, facilitant ainsi l’arrivée au pouvoir d’un certain Vladimir Poutine.
Titouan B., Nathan G. et Yanis S.
Les sources utilisées :
- Fiches Wikipédia : “Boris Eltsine“, “M. Gorbatchev“, “Dislocation de l’URSS“
- Daniel Vernet, Boris Eltsine, ancien président russe, Le Monde, Disparitions, 24 avril 2007
- Portfolio Le Monde, Boris Eltsine, l’Homme de la transition, 2007
- Niolas Werth, Comment un empire implose, l’Histoire, n°485, juillet-août 2021
